Jean FERRÉ Jean FERRÉ est mort le 10 octobre dernier, à l'âge de 77 ans. Il était né le 29 mai 1929 à Chauvigny (20 km de Poitiers, dans la Vienne). Jeune journaliste scientifique, il a collaboré à de nombreuses revues (dont Sciences et Vie), avant d'effectuer en automobile, la traversée du Rio de Oro en 1952 (dont il a relaté le récit dans le livre Au désert interdit). Chroniqueur à Aux Ecoutes, il a fondé l'hebdomadaire Notre Epoque en 1955 (pour contrer l'influence grandissante du progressisme dans la presse catholique), puis, l'année suivante, le mensuel C'est-à-dire, qui disparut en 1959. En 1958, il a créé Artaban avec le directeur de théâtre Jacques Hébertot. Dans cette dernière publication se sont côtoyées des plumes prestigieuses : J. de La Varende, Stephen Hecquet, Pierre Gaxotte, Th. Maulnier, H. de Montherlant. Quelle brochette ! Il est intéresant de dire quelques mots de C'est-à-dire qui a réuni une brochette de rédacteurs incisifs et anti-gaullistes : Jean Lousteau, P.A. Cousteau, J. Ploncard d'Assac, L. Rebatet et J.F. Chiappe. Son ironie mordante valut à la publication les foudres de la justice et la saisie dans les kiosques, à tel point que, poursuivi pour son activité subversive, J. Ferré dut se réfugier quelque temps à l'étranger. Défenseur de l'Algérie française, J. Ferré fut poursuivi pour « complicité avec les auteurs d'attentats contre la sûreté de l'Etat ». Emprisonné à La Santé (1961-1962) puis au camp de concentration de Saint-Maurice-L'Ardoise (1962), il s'exila en Espagne de 1962 à 1974. Il est ensuite devenu un spécialiste de la critique artistique et inventeur de la picturologie. Collaborateur du Figaro-Magazine de 1978 à 1994, il y a tenu les rubriques radio et télé depuis 1981, d'où il a tiré Fidèle au poste (Albin Michel, 1986). Il a participé au développement de Radio-Solidarité, avant de créer Radio-Courtoisie, dont il a présidé le comité éditorial jusqu'à ses derniers jours. Cette « radio culturelle du pays réel et de la francophonie » s'adresse à toutes les droites dans le domaine politique et à tous les talents dans le domaine culturel. Elle a accueilli, depuis sa première émission en direct, le 7 novembre 1987, des milliers de personnalités de toutes opinions. Autorisée le 24 juillet 1987 par la CNCL, Radio-Courtoisie a fait l'objet de diverses cabales pour tenter de lui interdire l'attribution de fréquences tellement son ton est anti-conformiste et peu enclin à se soumettre au « politiquement correct ». Pendant 20 ans, Jean Ferré a animé et dirigé avec énergie cette station de radio dont « l'existence constitue un outrage aux moeurs du temps » (selon ses propres termes). Aujourd'hui, elle est orpheline d'un père qui a guidé les pas de son enfant jusqu'à sa majorité pour la confier à une équipe qui s'est peu à peu constituée pour poursuivre ce qu'il a entrepris contre vents et marées. Depuis 1989, les responsables et animateurs de Radio-Courtoisie organisent, une fois par an, une Journée de la Courtoisie au cours de laquelle les auteurs qui interviennent sur les ondes, se retrouvent pour dédicacer leurs livres. C'est assurément une des plus grosses manifestations littéraires et culturelles qui se déroulent actuellement en France. Songez qu'en 2006, elle a réuni quelque 400 auteurs qui ont signé leurs ouvrages à des milliers de visiteurs. A ce propos, nous devons une très grande reconnaissance à Jean Ferré car c'est lui qui a eu l'idée de demander à ce que la totalité de l'approvisionnement des livres soit confiée à notre librairie SA DPF. Le travail en est très lourd, mais il apporte chaque année un surplus de ventes des plus appréciables, même si du fait de l'importance des frais engagés pour réussir ce pari, le bilan strictement financier ne laisse qu'une très minime marge. De plus, il est, pour D.P.F., une occasion d'étendre sa notoriété. La direction et la rédaction de Lectures Françaises présentent à ses amis, son entourage et toute l'équipe de Radio Courtoisie - dont nous connaissons bien plusieurs de ses membres - l'expression de leurs condoléances attristées et l'assurance de leur amitié et de leur soutien dans cette épreuve. Ses obsèques ont été célébrées le 16 octobre dans l'église de Saint-Germain-en-Laye, en présence d'une foule nombreuse dans laquelle se trouvait Jean Auguy, représentant toute l'équipe de Chiré. Jérôme SEGUIN « Jean Ferré fut de ces aventuriers pour qui prendre la route consistait d'abord à partir en quête. Qui a lu Désert interdit, publié en 1953 après un périple en voiture à travers le Rio de Oro, alors dans le Sahara espagnol, et longtemps introuvable avant d'être réédité, voici quelques années, par les éditions de l'Age d'Homme, avec préface du général Pierre-Marie Gallois ? Jean Ferré, fasciné par Antoine de Saint-Exupéry, y livra "le premier témoignage 'moderne' sur cet univers inaccessible, transformé en mythe par les plus grands écrivains [et] une des dernières visions poétiques d'un monde à jamais désenchanté par le progrès des techniques et de la communication". Paradoxe apparent d'un homme qui deviendra justement un homme de communication, non pas pour le plaisir ou la notoriété, mais par nécessité » (Extrait de Minute, n°2278, 18/10/2006, 15 rue d'Estrées, 75007 Paris). « Je garde en moi les grands moments de rencontre que vous m'avez procurés. Ils sont si nombreux que je ne peux pas les citer tous... mais chaque fois, je sortais de votre studio, content non de ce que j'avais dit mais de ce que j'avais entendu (...). Au seuil de votre tombe, dans le recueillement qu'impose votre départ de soldat, je vous redis mon admiration, et, par-delà la mort, dans cette vie de l'esprit qui ne finit pas, une amitié, qui, elle non plus, ne finira pas » (Jacques Trémolet de Villers, Présent, n°6193,b18/10/2006, 5 rue d'Amboise, 75002 Paris). Livres écrits par Jean Ferré: - Au désert interdit (Editions André Bonne, 1954. Réimpression Editions Age d'Homme, 2000). - Watteau. 4 tomes (Editions Athena, 1972) épuisé. - Lettre ouverte à un amateur d'art (Editions Albin Michel, 1974) épuisé. - Deux catalogues des expositions Pélerinage à Watteau (Paris, 1977) épuisé. - Velázquez et son temps (Tokyo, 1980) épuisé. - Watteau, soixante chefs-d'oeuvre (Editions Vilo, 1982) épuisé. - Fidèle au poste (Editions Albin Michel, 1986) épuisé. « Mes relations avec Jean Ferré sont très anciennes; elle remontent à l'époque où notre équipe étudiante était très attirée par Lisbonne et Madrid; c'est dans cette dernière ville, vers 1970, que nous l'avions rencontré ainsi que son frère, et nous l'avions retrouvé quelques années plus tard à l'occasion de la fête du livre de Nice (1975). Puis une relation très forte s'établit vers 1989 avec la grande fête du livre de Radio-Courtoisie dont nous assurons la gestion depuis plus de 15 ans. J'avais été convié à un déjeuner par Jean-Luc de Carbuccia pour préparer cette première collaboration; de quel poids son origine poitevine et les contacts madrilènes avaient-ils pesés ? Je ne sais, mais nos relations ont toujours été cordiales et en même temps rigoristes quant aux conditions du travail. On peut discuter les options prises par sa radio : à sa place, nous n'aurions pas agi de la même façon : c'est un jugement que doivent porter de même certains abonnés sur le contenu de la rédaction de Lectures Françaises ! Mais il faut reconnaître que Radio Courtoisie a eu une influence considérable et que, autant Chiré que Duquesne, lui doivent beaucoup. En 2005, il avait accepté que nous reproduisions son article sur Gaxotte dans notre Cahier n°20 allant jusqu'à corriger lui-même la notice biographique, ce qui la rend particulièrement fiable. Je garde de lui le souvenir d'un grand Monsieur qui a toujours exprimé sa sympathie agissante à l'égard des activités de notre centre de Chiré. A son frère et à sa famille, je présente mes sincères condoléances ». Jean AUGUY