par Jacques Trémolet de Villers Continuons l’hommage à nos morts, en ouverture de chronique. Il n’y a rien de triste dans cet exercice de piété. Et si la douleur est présente, elle n’entame pas la paix profonde que donne à l’âme la vision d’une destinée accomplie. Journaliste, dès son plus jeune âge, inventeur de voies nouvelles, amateur d’art et de littérature, passionné pour le beau et le vrai, amant véritable de la France, sa patrie, Jean Ferré a donné ses dix-sept dernières années à Radio-Courtoisie. Je peux témoigner qu’il est mort à la tâche et qu’il est mort de cette tâche, ayant refusé les soins que son état rendait nécessaires parce qu’il ne voulait pas – ne pouvait pas – abandonner une heure sa radio. Il considérait que l’essor, la continuité, l’invraisemblable aventure de Radio Courtoisie nécessitait cette attache constante, qui l’avait privé de vacances, de sorties, des spectacles, puis des soins médicaux les plus indispensables. Il s’était donné à cette œuvre comme d’autres entrent en religion... et les fruits ont été à la mesure du dévouement. Cher Jean Ferré ! Je vous revois, lors de notre dernière émission, à la fin du mois de juillet dernier, le 24, avec Alain Griotteray, Jean des Cars, et, au téléphone de Beyrouth, le Père Mansour Labaky. Vous étiez exsangue, la peau presque transparente sur votre visage amaigri, incapable même de nous verser le bordeaux de Radio Courtoisie qui clôturait nos entretiens du lundi soir. Et vous parliez encore des émissions à réaliser, des projets à étudier. Je vous avais pressé d’écrire vos mémoires, au moins des notes, pour que votre aventure personnelle, si liée aux drames de notre patrie, ne fût point perdue dans l’oubli. Mais vous étiez trop absorbé par le présent, et, plus encore, par l’avenir pour vous soucier de votre passé. Je garde en moi les grands moments de rencontre que vous m’avez procurés. Ils sont si nombreux que je ne peux pas les citer tous... mais chaque fois, je sortais de votre studio, content non de ce que j’avais dit mais de ce que j’avais entendu. Sans vous, aurais-je connu, lu, puis rencontré, revu, relu René Girard, dont l’œuvre demeure pour moi la rencontre intellectuelle de ces dernières années ? Au seuil de votre tombe, dans le recueillement qu’impose votre départ de soldat, je vous redis mon admiration, et, par-delà la mort, dans cette vie de l’esprit qui ne finit pas, une amitié, qui, elle non plus, ne finira pas.